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Après l’hygiène, les formats solides bousculent le soin

Répondant aux mouvements actuels du nomadisme, de la clean beauty et du zéro déchet, la cosmétique solide est en plein essor. Historiquement courants sur le segment du maquillage, les formats solides ont investi en force ces dernières années celui des produits d’hygiène avec de nouvelles solutions et de nouvelles gestuelles qui ont rapidement trouvé leur public. Ils entament aujourd’hui leur entrée dans la catégorie du soin, sous l’effet cumulé de l’innovation et d’une attente renforcée des consommateurs pour des applications plus hygiéniques en situation post COVID.

Fonds de teint, eyelighters, blushes ou correcteurs en formats sticks, le maquillage décline déjà de nombreux formats solides pour leurs avantages fonctionnels, nomades, et leur facilité d’application. Produits non déformables, ne contenant pas ou peu d’eau, les cosmétiques solides gagnent aussi du terrain dans la catégorie hygiène, dans la mouvance du no pack. Shampoings, gels douche ou dentifrices solides ont conquis les rayons, d’abord portés par de petites marques indépendantes au profil naturel et bio, avant que la tendance soit reprise par les géants du mass markets : N.A.E. chez Henkel, Love Beauty And Planet chez Unilever, L’Oréal… Il reste pour autant difficile d’évaluer la taille du marché.

« Aux États Unis par exemple, la plupart des marques qui se sont lancées sur ce marché sont des indie brands qui échappent aux statistiques Nielsen ou NPD. En Europe, on estime que ce marché représente 5% du marché cosmétique mais les prévisions annoncent surtout une forte croissance. En France, la cosmétique solide est un marché très dynamique où plusieurs typologies de marques sont présentes : indépendantes (Respire, Umaï) , professionnelles (Christophe Robin, Cut by Fred), mais aussi masstige (Yes to, Sephora, …) », explique Stépnanie Reymond, fondatrice et dirigeante d’Effervescience, agence de conseils techniques et marketing de l’univers de la beauté.

Consommer en bonne conscience
La marque indépendante Lamazuna, pionnière en France illustre cette montée en puissance. Lancée à l’origine sur le concept du zéro déchet dans la salle de bain, Lamazuna se lance il y a 10 ans avec des lingettes démaquillantes réutilisables, puis propose à partir de 2014 des cosmétiques solides, dentifrices, déodorants, shampoings, après shampoings, aux formules 100% naturelles et véganes. En mai 2020, sortira l’après-shampoing solide labellisé COSMOS Organic.

La marque compte aujourd’hui plus de 50 références et réalise un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros avec 30% de ventes à l’export. « Nous étions une petite marque naturelle et bio, nous sommes devenu grand public », assure Laëtitia van de Walle sa fondatrice.

En quelques années, les produits en formats solides se sont ouverts à de nouveaux profils de consommateurs. « En 2015, nos consommatrices étaient surtout des jeunes filles urbaines, aujourd’hui il y a autant d’hommes que de femmes et plus de limites d’âge », ajoute la créatrice. « La demande évolue simultanément avec la façon dont le consommateur choisit désormais de faire son acte d’achat, un acte militant en faveur de l’environnement. Sous l’impulsion de ce consomm’acteur, l’offre évolue vers de nouvelles propositions », confirme Stéphanie Reymond.

Le soin et le premium en perspective
Laëtitia van de Walle confie vouloir orienter aujourd’hui son innovation vers le segment du soin. Souvent inspirées du maquillage, les possibilités de galéniques sont variées, il existe déjà des sérums ou solaires en sticks, des poudres nettoyantes ou exfoliantes, des galets … mais plusieurs axes peuvent encore faire évoluer la tendance. « Les vecteurs peuvent être les matières premières, les formules, les transferts de technologies issues d’autres industries, les packs … mais la cosmétique solide pourrait aussi évoluer en se déployant dans le luxe », assure Stéphanie Reymond.

Un mouvement déjà en cours. Le laboratoire Sicaf, groupe Anjac, a notamment commencé son travail de recherche et développement sur les cosmétiques solides en 2018 en ciblant le marché prestige. « Nous voulions proposer aux marques premium des formes solides tout en gardant la sensorialité et l’efficacité d’un produit cosmétique classique. C’était un gros challenge car cela n’existe pas », explique Béatrice Anthouard, responsable formulation et prospective de Sicaf.

En 2019, le laboratoire a présenté à Cosmetagora une première gamme qui a remporté le prix de la formulation. Cette gamme reconstitue en sticks toute la gestuelle de soins classiques : démaquillants, masques, exfoliants, sérums, crèmes, contour des yeux, … « À partir de ce moment, nous avons constaté un engouement très important de nos clientes ou prospects, issues du naturel mais pas seulement, également des marques premium », assure Béatrice Anthouard. Pour maintenir la sensorialité, le laboratoire ne s’affranchit pas complètement de l’eau dans ses formules, et travaille les textures gels et émulsions en version solide. « On peut tout à fait avoir une application stick avec de l’eau. C’est une prouesse technique que nous venons d’industrialiser », ajoute la responsable.

La seconde génération, qui sera lancée à l’automne prochain, exclut cette fois le pack avec des formules exclusivement anhydres, pour une réduction de consommation d’eau en phase avec le mouvement Blue Beauty. « C’est un challenge d’offrir des soins visage solides qui peuvent s’affranchir du pack tout en étant sensoriels et performants. Il faut formuler avec des actifs qui permettent d’avoir un résultat intéressant mais qui puissent résister à la haute température pendant plusieurs heures », déclare Béatrice Anthouard. Pour cette gamme soin visage de 5 à 6 produits, le laboratoire travaille les galéniques solides et l’ergonomie des produits finis en s’inspirant des techniques facialistes revenues sur le devant de la scène. « C’est une gestuelle différente à laquelle le consommateur va devoir s’habituer, et la crise Covid est un catalyseur favorable », note Anne Rutigliano, directrice marketing et communication du groupe Anjac auquel appartient le laboratoire Sicaf.

Une approche différenciante qui séduit les marques, déjà en discussion avec Sicaf pour de futurs lancements basés sur ce concept aux dires du fabricant.

Le phénomène COVID en accélérateur de la dynamique
Le geste simple mais efficace, le retour aux basiques, la sécurité sanitaire, sont autant de critères de consommation liés à la crise actuelle qui pourront de surcroit jouer en faveur des formes solides en cosmétique. Pour accélérer l’innovation dans ce domaine, l’agence Effervescience lance à l’automne en collaboration avec la société Tectic, le STAR (Solid Technical Accelerator Responsible) Cosmetic Program. L’objectif sera de créer et d’animer un réseau d’acteurs de la filière, de décrypter et analyser le marché, les tendances, les enjeux scientifiques et techniques, et d’inspirer des perspectives et insights autour de la cosmétique solide.

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Kristel Milet, Premium Beauty News

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